Après le musée d’arts de Nantes, l’exposition, montée au MuMa du Havre en partenariat avec French Lines & Cie, redonne vie, à travers 180 peintures, photographies, tableaux, affiches, films, textes littéraires et objets publicitaires réalisés entre 1913 et 1942, à l’épopée artistique et humaine des traversées transatlantiques entre la vieille Europe et les Amériques. Sans oublier les archives inédites de Vladimir Yourkevitch, l’un des ingénieurs du Normandie, mis en service, il y a tout juste 90 ans sur la ligne Le Havre-New-York… Tous témoignent d’un engouement artistique hors pair pour ces monstres d’acier, symboles d’une modernité flamboyante, qui participèrent au développement vertigineux des voies de communication, contribuèrent à la conquête et à la maîtrise d’un monde désormais globalisé. L’exposition aborde également les bouleversements sociaux et politiques, de la crise de 1929 à la montée des tensions menant à la seconde guerre mondiale.
André GALLAND, Ile de France sortant du Port du Havre, 1931, collection particulière ©Hervé Lewandowski - © ADAGP
Le paquebot, symbole de modernité
Commencée dans les années 1830, l’aventure des paquebots de ligne représente une page fondamentale dans l’histoire mondiale de l’ère industrielle qui s’est maintenue jusque dans les années 70. Dans l’entre-deux-guerres , alors que l’aviation n’en est qu’à ses balbutiements, ces navires démesurés deviennent bien plus que de simples moyens de transport. Ils deviennent le théâtre d’un art de vivre raffiné, où se croisent anonymes et célébrités , aventuriers et exilés, artistes et hommes d’affaires.
Fernand LÉGER, Le Remorqueur, 1920, collection du Musée de Grenoble - © Musée de Grenoble / J.L. Lacroix - © ADAGP (à gauche) --- Raoul DUFY, Souvenir du Havre, 1921, Le Havre, musée d'Art moderne André Malraux - © MuMa Le Havre / Florian Kleinefenn (à droite)
D’un monde à l’autre
Lieux de séjour et de transport, les paquebots voguent le temps d’une traversée entre deux continents. Le port devient alors porte d’entrée et de sortie où fourmillent les échanges. Cette fugace évasion dans le temps et l’espace, l’intermède de quelques jours en mer voit s’entremêler ennui et frivolité, inquiétudes et espérances. Le grand navire apatride devient alors le lieu privilégié de rencontres… Le réfugié qui quitte son pays avec douleur et espoir cohabite avec l’écrivain avide d’abreuver sa plume d’aventures. L’homme d’affaires dîne avec le touriste oisif qui découvre le voyage d’agrément. Ces hommes et ces femmes se croisent sur les pont promenades, dans les coursives interminables et dans les salons aux décors luxueux.
Paul IRIBE, La salle à manger de la première classe de Normandie, brochure publicitaire de la Compagnie Générale Transatlantique, vers 1935 - © Collection Saint-Nazaire Agglomération Tourisme – Écomusée
Normandie, un paquebot d’exception
En France, la Compagnie générale transatlantique lance en 1931, la construction du « Normandie », par les chantiers de Penhoët à Saint-Nazaire, un chef d’œuvre du génie naval français. Lorsqu’il entre en service, iI est le plus plus beau paquebot du monde, le plus rapide mais aussi le plus luxueux, ses décors étant signés par les plus grands créateurs de l’époque. Aussi, dès son lancement en 1935, il devient une source d’inspiration pour les artistes qui capturent son élégance et son audace.
Anonyme, Construction de Normandie à Saint-Nazaire : ponts, vers 1931-1932 - Le Havre, collection EPCC French Lines & Compagnies, patrimoine maritime et portuaire (à gauche) ---- Anonyme, Normandie couché à côté du Pier 88 à New York après son incendie en février 1942, collection Frédéric Gros © Musée d’arts de Nantes / C. Clos (à droite)
La carrière du Normandie est cependant interrompue par la Seconde Guerre mondiale. Désarmé, il demeure à quai dans le port de New-York. Fin 1941, il est réquisitionné par les États-Unis et renommé USS Lafayette, pour être transformé en transport de troupes. Un incendie, à priori accidentel se déclare durant des travaux, en 1942. Les tonnes d’eaux utilisées par les pompiers font chavirer le navire sous l’effet de la marée. Le paquebot n’est plus qu’une épave. Après la guerre, la France refusant de récupérer sa carcasse, il est démoli au cours de l’année 1947. Il était et reste l’un des plus mythiques paquebots de l’histoire et, pour beaucoup, le plus fabuleux liner jamais réalisé en France. Il était une véritable gloire nationale, l’ambassade flottante du raffinement et de l’art de vivre de tout un pays.
Jean DUNAND, La Conquête du cheval, Deux cavaliers attrapant au lasso des chevaux sauvages, après 1935, panneaux de laque décoratifs reprenant en version réduite un motif du décor du fumoir de la 1ère classe du paquebot Normandie - Le Havre, musée d'art moderne André Malraux - © MuMa Le Havre / Charles Maslard
Catalogue d’exposition: Paquebots 1913-1942. Une esthétique Transatlantique. Cet ouvrage réunit les œuvres de peintres, photographes, affichistes, architectes et écrivains, tels que Fernand Léger, Marcel Duchamp, Blaise Cendrars, Raoul Dufy, Cassandre, Walker Evans… Ceux-ci rendent compte dans leurs œuvres de la beauté moderne de ces engins fabuleux et de l’expérience de la traversée. Ce catalogue accompagne l’exposition du même nom, coproduite par le Musée d’arts de Nantes et le MuMa, Musée d’art moderne André Malraux du Havre. 32€. 280 pages. infine-editions.fr
Commissariat de l’exposition :
Adeline Collange-Perugi, conservatrice et responsable des collections d’art ancien au Musée d’art de Nantes.
Sophie Lévy, ancienne directrice conservatrice du Musée d’art de Nantes
Clémence Poivet-Ducroix, attachée de conservation au MuMa, assistée d’Éléonore Lebrun.
Musée d’Art Moderne André Malraux,
2 boulevard Clémenceau, 76600 Le Havre - Tél: 02 35 19 62 62